Bavarde comme une (héca)tombe

Publié le par jpll

Lucia va avoir 4 ans dans quelques jours.
Ce n’est pas la benjamine; il doit y avoir au moins trois bébés sur la commune qui, il faut l’espérer, rejoindront bientôt l’école du village,  pour qu’elle ne ferme pas.
Mais la population, dans sa majorité, est très âgée. Pire, à la maison de retraite, ces dernières semaines, ce fut l’hécatombe. La mort est bavarde en ce moment.
Chaque début d’après-midi, à peu près par tous les temps, il y a un petit pépé qui fait l’aller et retour,  d’un bout à l’autre de l’unique rue du village, à petit pas et en parlant tout seul....
Hier je le salue  et il me répond, en pointant sa cane vers la maison de retraite :
“Mes vieux copains s’en vont tous ...”

Cela m’a rappelé la chanson de Léo Ferré, “LES VIEUX COPAINS”, sur un de ses derniers albums enregistrés.
J’ai voulu la réentendre en cherchant sur internet et je suis tombé sur ce document vidéo : bouleversant ...
On y voit Léo Ferré interpréter cette longue chanson, près de 7 minutes. Il est seul dans une salle de répétition ou de concert, au milieu des chaises vides et des pupitres abandonnés. Il chante,  le regard fixe , en battant quelquefois,  des deux bras, une mesure carrée ( toute sa vie, Léo Ferré a dirigé des orchestres fantômes).
Et c’est pathétique. La chanson est bouleversante. Léo Ferré est vieux, vraiment vieux. Ses yeux sont cernés, son dos et ses épaules raides; il marche sur la pointe des pieds.
A plusieurs reprises, en images insérées, on voit sa compagne, sa femme Marie, le choyer, l’épousseter, lui mettre son blouson de cuir, l’accompagner jusqu'à la sortie... avec des gestes d’une affection amoureuse incommensurable.
Voici les coordonnées du fichier :

www.dailymotion.com/video/xe49o_leo-ferre-les-vieux-copains


A défaut de pouvoir l’ouvrir, je livre dans un article ci-dessus ou ci dessous, le texte intégral de la chanson.

J’ai vu d’innombrables fois Léo Ferré en concert, pendant trente ans, même déjà avant 1968... avant qu’il ne hisse tout à fait le drapeau noir.
J’ai assisté à ses 3 ou 4 derniers récitals qu’il donnait chaque année, à l’autômne, au théâtre du Chêne Noir, chez Gérard Gélas, son copain d’Avignon ( et aussi au Toursky à Marseille)
C’était devenu pathétique. La vieillesse lui était brutalement tombée sur le dos. Il avançait sur scène à petits pas. Sa voix avait faiblit. Il oubliait ses textes... Mais il avait la rage intacte, et vitupérait encore.
A l’époque j’enregistrais les concerts en cachette. Et un soir, entre deux chansons, dans un silence ... patatras ! mon magnétophone glisse de mes genoux et tombe dans un bruit de casserole fêlée ! Alors Ferré, en s’adressant à moi sans me voir, fulmina contre “ces imbéciles qui en toutes circonstances, en tous lieux, s’agitent dans le vide ! “
Je me souviens qu'alors, objet malheureux de cette invective, j’ai eu un grand froid dans le dos, j’étais tétanisé!

Peu après,  Léo Ferré est mort, dans les bras de la Marseillaise, un 14 Juillet !
Depuis je ne peux pas écouter une chanson de Léo Ferré, sans me mettre à pleurer - ou à gueuler - selon mon état.

www.lehall.com/galerie/ferre/index.html

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